Pendant quatre heures d’horloge, des acteurs de la justice ont répondu sans ambages aux préoccupations, dans la salle de conférence de la mairie de Banfora, où avaient pris place plus de deux-cent femmes dans la matinée de ce jeudi 27 juin 2019.
Des questions liés au mariage, à l’héritage, à l’abandon de domicile familial, à la bigamie, à la reconnaissance de paternité, à la garde d’enfant, mais également au recouvrement de créances, au licenciement… ont été portés aux magistrats Illassa Porgo, directeur général du Fonds d’assistance judiciaire, Amidou Banhoro de la direction de l’accès à la justice et de l’aide aux victimes et au greffier en chef Abdoulaye Sanogo de la même direction.
Avec une bonne dose de pédagogie, ces acteurs de la justice ont apporté des réponses. Beaucoup de conseils ont été donnés et certaines femmes orientées vers le tribunal départemental, le tribunal de grande instance de Banfora ou encore le tribunal de travail et la cour d’appel de Bobo Dioulasso. Avant de dire « ce qu’elles avaient dans le cœur », elles ont exprimé la même inquiétude pour dans de nombreux cas : Comment porter mon problème en justice sans perdre mon foyer ?, Comment agir en justice et ne pas avoir de problèmes avec la belle famille ? quand tu amènes ton mari en justice, tu risques de ramasser tes bagages, comment éviter les incidents ?
L’esprit de la loi, ont fait remarquer les juges, est de préserver le foyer. La justice est souvent le recours après l’échec de la médiation des témoins, des familles, du chef du village… Les juges agissent avec tact pour préserver le foyer et la phase de conciliation est obligatoire. Dans certaines situations, la femme ne veut pas divorcer et ses intérêts sont défendus.
« Nous ne sommes pas venus pour vous monter contre vos maris et vos belles familles. Nous sommes venus vous dire la chance que vous avez avec la justice pour résoudre vos problèmes, ce que dit la loi, et comment se faire assister par le Fonds d’assistance judiciaire pour les plus démunies… », a notamment expliqué le magistrat Porgo. Poursuivant ses explications illustrées d’exemples, il dira, concernant les violences conjugales, que « quand une femme porte son problème en justice, ce n’est pas parce qu’elle n’aime pas son mari, mais parce qu’elle veut faire cesser les violences qui peut entraîner des conséquences malheureuses. Et le juge agira pour protéger l’intérêt du foyer et des enfants… ».
A la fin des échanges, la glace semblait briser. « Nous avons reçu beaucoup de conseils. J’avais peur de la justice, mais maintenant cette peur est passée car je me suis rendu compte que la justice agit d’abord pour protéger nos intérêts… », a confié dame Sagnon.
Auparavant, la communication donnée par le greffier en chef Abdoulaye Sanogo, a permis aux femmes de cerner le dispositif juridique et institutionnel mis à leur profit, les juridictions et leurs modes de saisine. Il est revenu sur plusieurs aspects du code des personnes et de la famille et sur la loi portant répression des violences faites aux femmes et aux filles.
Cette campagne dans la « cité du paysan noir », a débuté quelques heures avant avec le discours d’ouverture du maire Aboubacar Héma. Il a rappelé le contexte qui a motivé le ministère de la Justice à lancer cette campagne en 2018.
Malgré les efforts du gouvernement pour la promotion, « bon nombre de nos concitoyens éprouvent des difficultés pour saisir les juridictions du fait de la méconnaissance des procédures ». Du diagnostic mené à cet effet, « il résulte que les femmes en raison de leur statut accusaient un déficit dans ce sens. La conséquence qui en découlement est la faible fréquentation des juridictions ».
Dans la même veine, le magistrat Amidou Banhoro a souligné que les statistiques du ministère de la Justice démontrent une faible fréquentation des juridictions par les femmes. Il s’est réjoui de la grande mobilisation des femmes de Banfora et les a invité à partager les connaissances acquises dans leurs milieux.
Le magistrat Illassa Porgo a indiqué qu’une autre campagne est envisagée pour sensibiliser également les hommes.
La campagne de Banfora intervient après celles de Ziniaré et de Koudougou, pour cette année 2019.
Bachirou NANA